DECES DE GEORGES GALIPON
Ce décès étant survenu dans le courant de l’été, peu avant les Journées du Patrimoine, et l’exposition
de cette année à la Maison des Compagnons étant grandement son oeuvre, le Comité a célébré le double évènement
de cette exposition et de la sortie du numéro des Cahiers d’architecture sur les fenêtres, et en même temps
rendu un hommage à Georges Galipon par une réception qui a déplacé de nombreux sympathisants et les principaux élus.
Parmi ces derniers, nous remercions ceux qui, n’ayant pas toujours été en phase avec nos idées, ont tenu néanmoins
à l’honorer de leur présence.
Après 50 ans d’activité, le Comité a hélas perdu son fondateur que
je souhaiterais évoquer ici, aussi brièvement que possible.
« Lorsque dans les années 60, venant d’un précédent poste à Reims, ville royale meurtrie par l’Histoire et la guerre,
Georges Galipon prend ses fonctions au lycée François 1er de Fontainebleau, cette autre ville royale préservée, elle,
par le ciel et la nature, berceau de ce ‘trésor des merveilles’, ainsi que le Père Dan qualifiait le château de
Fontainebleau, comment imagine-t-il le déroulement de sa carrière d’enseignant ?
Peut-être s’est-il dit que, au cours d’une carrière passionnante certes mais sans heurts, il transmettrait aux jeunes
de cette ville pas comme les autres l’art du trait et de la peinture dans lesquels il excellait et les savoir-faire
des métiers dont il connaissait tous les raffinements.
Mais un autre vent mauvais que la guerre soufflait sur la ville, comme sur les autres villes et villages de France,
avec la modernisation. Ainsi Georges a-t-il vu disparaître tour à tour, dans cette ville qui n’était pas encore
la sienne ; l’Hôtel des Quatre Secrétaires du Roi, du 17ème siècle, rue de la Paroisse, Les Menus Plaisirs rue des Pins
et rue de la Cloche, les Ecuries de la Reine Catherine de Médicis rue de Ferrare, les écuries du comte d’Artois et
leur magnifique entrée en cul-de-four à l’angle
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de la rue des Bois et de la rue Saint-Merry, la prestigieuse villa ‘Baleyn de Guzman’ construite par l’architecte
Marcellin Vercollier pour le comte de la Chapelle, rue Saint-Merry , etc. devant des Bellifontains indifférents
ou consternés.
Un plan d’occupation des sols catastrophique s’annonçait. Le jeune professeur aurait pu simplement déplorer.
Mais à quoi bon enseigner l’esthétique et l’art de bâtir si pendant ce temps on laisse détruire les chefs-d’oeuvre
qui nous sont parvenus ? N’est-on pas responsable de ce qu’on laisse faire ? Dès lors, la vocation de Georges
le portait à dépasser le simple enseignement et à partir en guerre contre le vandalisme.
Il n’était pas le seul chevalier de la défense du patrimoine. Dans toute la France des hommes de valeur s’élevaient
et entraînaient leurs concitoyens dans cette lutte passionnée pour la défense du beau et la conservation de notre héritage.
A Fontainebleau, il fallut qu’un homme vint d’autres horizons - puisque la Tunisie était sa première patrie – pour que
la défense s’organisât, riche de ses connaissances et forte de sa passion.
Il sût rassembler les amoureux des belles demeures, les Bellifontains de toutes conditions, frappa aux portes
des gens influents, sollicita les académiciens et les hautes instances comme Maurice Druon ministre de la Culture
à l’époque, à qui nous devons le classement de toute la ville ancienne à l’Inventaire des Sites pittoresques,
enthousiasma ses collègues, ses élèves, les parents de ses élèves, et rassemblant toutes les compétences créa
le Comité de Défense, d’Action et de Sauvegarde de Fontainebleau.
A l’époque, après plusieurs années à l’étranger, j’habitais un appartement dans une belle gentilhommière d’époque
Louis-Philippe à la lisière de la forêt. Elle s’appelait la villa Sainte-Marie. Là eut lieu la première grande
exposition du Comité de Défense sur un recensement que nous avions fait du patrimoine remarquable de la ville.
Peu de temps après, un projet immobilier devait raser la villa et bétonner l’ensemble du site. Notre recours
au TA mit le projet en échec. Nous ne réussîmes pas à sauver la villa Sainte-Marie, mais les deux barres de béton
qui auraient dépassé les cimes des vieux chênes de la forêt attenante furent converties en petits immeubles plus
respectueux du site.
Peu de temps après fut obtenu, dans le même secteur, le classement non aedificandi de l’Enclos des Fontaines,
ensemble de jardins irrigués par la grosse source qui sort de la forêt au pied du Mont Ussy, sous le Calvaire
(Bd Thiers) et qui alimente l’aqueduc François 1er. Car Georges Galipon avait l’intelligence de juger l’importance
d’un monument dans son contexte naturel. Or Fontainebleau est né de la présence des sources. Il était fondamental
de les préserver.
Dès lors les actions se sont succédées, sous la présidence de Mme d’Abboville puis pendant de longues années de
Yvonne Jestaz.
Mais c’est la Maison des Compagnons qui concrétise le mieux l’oeuvre de Georges Galipon. Les démolitions en cours
dans le centre-ville menaçaient une certaine petite maison des 17ème et 18ème siècles dont la disparition aurait
ouvert une brèche dans le front de façades de la rue de la Cloche et laissait entrevoir la percée d’une nouvelle
rue à travers les jardins qui forment le coeur d’ilot sur l’arrière de la rue Grande et de la rue Béranger.
C’était sans compter avec l’oeil expert de Georges Galipon qui avait repéré là la maison d’un maître-compagnon
ou un foyer de compagnonnage, et un modèle de tous les arts du bâtiment. Quelle plus belle école que ce chantier
bénévole ? Avec une cinquantaine de Bellifontains, le Comité en fit l’acquisition sous forme d’une société civile.
Ce fut une aventure enthousiasmante dans laquelle il emporta ses collègues érudits (je pense là à Francis Barbot,
professeur de lettres classiques), ses élèves, les parents de ses élèves, les compagnons parfois âgés encore actifs
dans la ville (le maître serrurier Monsieur Tronquois, le maçon Monsieur Sudron, les menuisiers Robin et Lejamtel).
Cette maison devenue un foyer culturel, il fut décidé de l’appeler La Maison des Compagnons, et c’est en effet
ce qu’elle est devenue, avec son enseigne à l’équerre et au compas qui figure fièrement dans les garde-corps
des fenêtres du 1er étage que Georges Galipon avait lui-même dorée à l’or fin.
Animés de la même passion pour notre patrimoine et désireux de maintenir un cadre de vie agréable dans
les contingences contemporaines, le CDAS de Fontainebleau poursuit l’oeuvre de sauvegarde et de mise en
valeur du patrimoine bellifontain lancée par Georges Galipon, avec une ardeur renouvelée.
Etant moi-même de moins en moins disponible pour assurer la présidence, j’ai souhaité, avec l’accord du
conseil d’administration, proposer cette tâche à notre vice-président Christian Roggeman qui s’est déjà
impliqué depuis plusieurs années, avec dynamisme et efficacité, dans la bonne marche du Comité, notamment
au cours de cette année mouvementée.
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