Comité de Défense d’Action et de Sauvegarde de Fontainebleau


Blason

L’Hôtel de Ville

de

Fontainebleau


V

L'HOTEL DE LA CHANCELLERIE

Plan anonyme de 1634 montrant l’hôtel de la Chancellerie,
Plan anonyme de 1634 montrant l’hôtel de la Chancellerie, la cour des Mathurins, la place Dennecourt actuelle place Bonaparte n’existait pas

Assez avides de changement, les conseillers municipaux, qui n'étaient d'ailleurs plus les anciens collègues de M. de Montmorin, ne tardèrent pas à vouloir plus et mieux que l'hôtel du Maine.


 Il est vrai que cet immeuble dont l'aménagement n'était pas celui d'aujourd'hui, devenait réellement insuffisant en raison de tous les services qu'on y avait accumulés. Outre des magasins d'armes, de denrées, d'habillements, etc., il y avait jusqu'à des moulins à bras « faisant de blé farine ». Le bureau militaire était journellement encombré de soldats de passage, etc. Un nouveau service, celui de l'état civil, transféré de l'autorité ecclésiastique à l'administration civile7 était ouvert au public.
 A noter en passant que la transmission de ce service s'opéra ici très amiablement, alors que dans d'autres localités elle fut l'occasion de nombreux conflits.
 Le dernier acte ecclésiastique, signé Marot, prêtre, constate l'inhumation à la date du 13 novembre 1792, d'une jeune fille de 15 ans, Marguerite-Victoire-Pauline Regnault.
 Le premier acte civil, enregistré à la même date, est également un acte de décès, celui de Pauline-Claude Lenfant, ex-religieuse Bernardine, âgée de 79 ans, décédée rue des Sablons chez son neveu, Lenfant, chirurgien major des hospices nationaux.
 Entre les deux se lit le procès-verbal, très simple on la forme, donnant décharge au curé de Fontainebleau. Il est ainsi libellé :
 Je soussigné, officier public, déclare avoir reçu du citoyen Dayc, curé de la paroisse Saint-Louis de cette ville, le présent registre et tous les registres depuis mil six cent soixante et un, dont plusieurs sont contenus dans un seul volume et quelques-uns en deux, dont décharge donnée audit citoyen curé..
 A Fontainebleau ce jourd'hui 13 novembre mil sept cent quatre-vingt-douze, l'an premier de la république française.

Cellier, officier public.


 Et, tant est résistante la force d'habitude, les actes ont continué à être indiqués en marge par les initiales M. B. S. — Mariages, baptêmes, sépultures.
 Le local plus vaste sur lequel la municipalité jeta les yeux fut l'hôtel de la Chancellerie, contigu à l'ancien couvent des Mathurins. Cet hôtel, construit jadis par le cardinal Duprat, chancelier de France, était situé dans le jardin de Diane; il occupait une partie de la rue actuelle de la Chancellerie et la presque totalité de la place Denecourt. La municipalité y avait déjà tenu extraordinairement des séances, les 2 et 3 septembre 1792, mais c'était là un fait accidentel ; les procès-verbaux avaient été rédigés à la maison commune.
 Requête est donc adressée à qui de droit par le conseil pour obtenir la concession de l'hôtel de la Chancellerie. Les élus de la ville exposent l'encombrement qui se produit à certaines heures dans les bureaux de la ville et les difficultés qu'ils éprouvent pour établir un peu d'ordre dans les différents services. Ils insistent surtout sur ce que les réunions étant fréquentes et se tenant dans un local peu aéré, leurs santés pourraient être compromises.

 Mais laissons-leur la parole :

Adresse à la Convention.

 13 prairial an II (1er juin 1794). — Le conseil général de la commune tient ses séances dans l'un des bâtiments de la ci-devant liste civile dont la jouissance lui avait été accordée par le dernier roi des Français en 1792 (vieux style). La salle du conseil contenant à peine ses membres qui le composent ne permet pas même d'admettre aux délibérations un petit nombre de citoyens, quand tous ont le droit d'y assister lorsqu'ils le désirent. C'est ce qu'a remarqué avec étonnement le citoyen Maure, représentant, lorsqu'il installa le nouveau conseil de la commune.
 Le local entier n'est pas assez conséquent pour contenir tous les bureaux ; la multiplicité des affaires exige un emplacement plus étendu et plus commode.

 L'adresse concluait à ce que la Chancellerie fût accordée à la ville. En même temps, le corps municipal s'adressait au représentant Geoffroy pour lui demander d'appuyer sa demande :

 Considérant, lui écrivait-on, que l'air insalubre qu'on respire dans la salle actuelle des séances par le peu de grandeur qui la compose et le défaut de croisées pour donner un courant d'air.

Nous vous demandons, pour le succès de notre demande, d'employer le même moyen dont vous avez usé pour faire jouir nos frères de la Montagne du bel air d'un bâtiment qu'ils ont demandé...

 Le gouvernement s'émut peu de ces arguments, il se contenta d'opposer aux postulants le décret de novembre 1792 portant qu'aucune municipalité ne pourrait Jouir des domaines nationaux.
Se voyant alors menacé dans la jouissance de l'hôtel du Maine, le conseil municipal s'adressa le 13 pluviôse an II (1er février 1794) aux représentants du peuple.
 La partie de maison, disait-il, accordée par le ci-devant roi à la municipalité de Fontainebleau pour y tenir ses séances suffit à peine à contenir les bureaux. La commune s'étant toujours chargée des réparations considère cette partie de maison commune comme sa propriété. »
 Suivait un exposé de la malheureuse situation de la commune « dépourvue de
commerces et d'établissements et, finalement une demande afin d'être « autorisée, conformément à l'article ler de la loi du 12 septembre 1791, à rester en possession de la partie de maison accordée par feu Capet (1) dans laquelle la municipalité tient ses séances.

(1)

 A remarquer la gradation suivie en quelques mois par le conseil municipal. Louis XVI, d'abord dénommé : le bon roi, le meilleur des rois, le roi, devient successivement : l'ex-roi, le ci-devant roi, le pouvoir exécutif précédent, puis
enfin feu Capet !

 Entre temps surgit une nouvelle idée. La municipalité se dit qu'elle pourrait devenir propriétaire de la  Chancellerie par voie d'échange avec les « propriétés communales »... Elle fait miroiter une combinaison permettant de réunir en un seul hôtel tous les services, y compris la gendarmerie. La Nation serait ainsi exonérée de la dépense de 500 francs qu'elle supportait annuellement pour le logement de la gendarmerie dans une maison louée rue de Fleury.


 En vue donc d'un échange avec l'hôtel de la Chancellerie, un rapport estimatif avait été présenté le 27 septembre 1193 à la municipalité par le citoyen Saulgeot, architecte de la ville.
 D'après le rapport, peut-être un peu complaisant de l'architecte, les propriétés municipales étaient :

 Le ci-devant hôtel de ville, situé au coin de la rue Basse et de la place d'Armes ;
  La maison d'arrêt, dite les Prisons, rue Basse, mitoyenne avec l'hôtel de ville, où fut placée la prison en attendant l'achèvement de la construction commencée en 1788 place d'Armes;
  La Maison Commune, grande rue de la Liberté, place du marché au Blé, « tenant : par derrière à la partie détachée y attenant, sur le devant la rue, d'un côté Foulon, d'autre Ant. Desavis. -~ Accordée à la ville par le ci-devant roi et dans laquelle la municipalité tient actuellement ses séances et ses bureaux;
  Enfin, le bâtiment situé place d'Armes, construit en 1788 sur un terrain appartenant à la ville et non achevé.
 L'estimation; fort avantageuse pour la ville, arrivait à cette conclusion que la Nation, abandonnant la Chancellerie contre les immeubles dont la Ville se prétendait propriétaire, réaliserait un bénéfice de 25,262 livres 7 sols 4 deniers.

 Cette demande n'obtint pas de succès ; la municipalité renonça forcément à l'acquisition de la Chancellerie. Mais elle ne se découragea pas et entreprit une nouvelle campagne dans le but d'en avoir la jouissance « comme étant celle de toutes les propriétés nationales offrant toutes les commodités locales et placée au centre de la commune ».
 Elle s'adressa, non à tous les saints — on les avait supprimés — mais à tous ceux qui détenaient la plus mince partie du pouvoir.
 Le représentant, Geoffroy, puis ses collègues Granet, David et Maure, en ce moment en mission dans Seine-et- Marne, furent les premiers sollicités.
 Le représentant Loiseau, dès son arrivée, fut à son tour assailli ; il résista. Le directoire du département opposa également un refus. Plusieurs fonctionnaires circonvenus par des démarches réitérées, montrèrent, en paroles, beaucoup de bon vouloir, mais aucun ne voulut donner sa signature.

 Enfin, cédant aux obsessions dont il était assiégé, Loiseau, usant de ses pouvoirs discrétionnaires, autorisa, le 20 brumaire an III, « la municipalité de Fontainebleau à se servir des bâtiments connus sous le nom de la Chancellerie, pour y tenir ses séances et former divers établissements ».
 Le 28 frimaire an III (18 décembre 1794) eut lieu la prise de possession et dès le lendemain la municipalité abattit cloisons, murailles, etc, pour s'installer à sa guise.

L’Hôtel de la Mission

L’Hôtel de la Mission dressé par F. BAUR professeur de dessin à l’École d’Application de l’Artillerie et du Génie



VI

LA MAISON DE LA MISSION

 Le bonheur qu'éprouvait le conseil municipal à se trouver dans un local vaste, sain, aéré, jouissant d'un bel air comme celui des « frères de la Montagne » ne fut pas de longue durée.
 En nivôse an III (janvier 1795), l'administration du département, agissant au nom du domaine, mit la main sur les propriétés de l'ex-liste civile comme appartenant à la nation dont elle voulait sauvegarder les droits.
 Signification fut donc faite à la municipalité de Fontainebleau qu'elle ne saurait être reconnue propriétaire de l'hôtel du Maine ni de l'hôtel de la Chancellerie. La jouissance de ces deux immeubles ne lui était pas retirée, mais la commune aurait à payer un loyer. Fixé à quatre pour cent de la valeur d'estimation des propriétés, le loyer réclamé s'élevait à 400 francs pour la partie occupée de l'hôtel du Maine, et à 3,139 francs pour l'hôtel de la Chancellerie.
 Le payement d'un loyer aussi élevé troublait fort l'équilibre des finances municipales, si tant est qu'il y ait eu alors équilibre. D'autre part, les officiers municipaux étaient pris au dépourvu ; ils n'avaient jamais prévu semblable éventualité. Une demande de sursis fut adressée à l'administration supérieure afin de donner le temps au conseil de s'installer dans un nouveau local, la « maison de la mission » (presbytère actuel).
 Mais tout d'abord se présentait la question primordiale de propriété.

 Sur l'emplacement de l'hôtel de Martigues qu'il avait acheté, le roi Louis XIV fit construire en 1663, la « maison de la mission » qu'il donna à la congrégation de Saint-Lazare à la condition que ladite congrégation serait tenue d'y entretenir à perpétuité dix prêtres dont l'un serait curé et les neuf autres chargés de seconder ce dernier dans les fonctions curiales et l'administration des sacrements. Ils devaient aussi se livrer à la prédication.
 En 1793, les biens des congrégations avaient été confisqués au profit de l'État ; les presbytères furent dévolus aux communes qui avaient renoncé au culte, sous la condition d'y installer des hôpitaux, des écoles ou d'autres services publics.
 La « maison de la mission » était-elle primitivement un bien de congrégation ou un presbytère ?
 Par ses revendications de la première heure, la municipalité de Fontainebleau avait obtenu qu'elle ne fût pas comprise dans les ventes de biens nationaux faites au district de Melun, mais la question de propriété n'avait pas été tranchée (1), ce bâtiment était d'ailleurs l'objet des convoitises de l'Etat et du département. Aussi, avant de tenter une installation nouvelle, le conseil crut-il prudent de prendre ses précautions.
 Tout d'abord le représentant Geoffroy est pressenti. Il répond :

Paris, 11 vendémiaire an III de la République
(2 octobre 1794).

À la municipalité de Fontainebleau.

 Il n'est pas à ma connaissance, citoyens, que la Convention ait rendu un nouveau décret sur les presbytères depuis quinze jours, comme vous le dites. Je ne connais que celui qui a été rendu le... et que vos commissaires ont emporté avec eux à leur dernier voyage. Vous savez que cette loi accorde aux communes qui ont abandonné le culte catholique, les presbytères pour servir à l'instruction publique et à des hospices, mais que le mode d'exécution a été renvoyé au comité. Geffroye jeune, rép1. du peuple.

 Au reçu de celle lettre, le 13 vendémiaire (2 octobre), le conseil général de la commune s'assemble et prend la délibération suivante :

Commission relative à la maison presbytérale.
 Le conseil général de la commune étant dans l'incertitude de savoir si la maison ci-devant occupée par les missionnaires desservant la ci-devant cure du dit lieu devait être considérée comme maison presbytérale et en conséquence appartenir à la commune.
 Ledit conseil, après avoir pris lecture d'une lettre patente du Roy pour la fondation d'une cure dans le bourg de Fontainebleau, du mois de septembre 1763, portant que le roy a fait don de la place et bâtiment do l'hôtel des Martigues qu'il a achète et payé de ses deniers pour servir au logement des prêtres do la mission. La dite lettre patente portant encore spécialement que la place et bâtiments susdits demeurent inviolablement et perpétuellement gardés et entretenus au profit de la congrégation sous les conditions énoncées en la dite lettre patente. Ce considéré et attendu que jamais la commune n'a fait aucun frais pour réparation des bâtiments et qu'au contraire les deniers de la congrégation y ont pourvu, arrête qu'avant de se mettre en possession de ladite maison et faire les réparations nécessaires pour s'y installer, il sera nommé deux commissaires qui se rendront demain à Melun à l'effet de faire lever par l'administration du district de Melun ou le département si le cas le requiert, les doutes du conseil général sur cette propriété, nomme a cet effet les citoyens Chenuel, officier municipal, et Festeau, notable, du conseil général, et seront porteurs du registre renfermant la dite lettre patente sus-énoncée afin d'en donner connaissance aux administrations ainsi que copie de la lettre littérale de l'agent national prés lu district en date du 8 de ce mois, ensemble le procès-verbal de l'estimation faite de la maison comme domaine national le 20 novembre 1790 par les citoyens Saulgeot, architecte, inspecteur des bâtiments du ci-devant Roi, et François Laurent, greffier des bâtiments, expert nommé par le maire.
 La dite estimation, faite en présence de la municipalité do Fontainebleau, montant à 35,600 livres pour les bâtiments, cours et jardins en dépendant, le tout ainsi qu'il est expliqué au procès-verbal.

 Le lendemain, 13 vendémiaire, les commissaires rendent ainsi compte de leur mission :

Nous soussignés, commissaires, chargés de prendre auprès de l'administration du district tous les renseignements nécessaires pour s'assurer si la maison occupée par les ci-devant missionnaires pouvait être considérée comme presbytère et si nous pouvions en prendre possession à ce titre, conformément à l'arrêté du comité des finances,  II nous a répondu que, sur les doutes qui s'élevaient, on ne pouvait donner aucune solution... mais qu'il ne pouvait être révoqué en doute que la maison des ci-devant missionnaires ne fût un presbytère, que le registre dont nous étions porteurs en démontrait la preuve. Qu'en conséquence la municipalité pouvait sans crainte s'y établir. Mais qu'on ne pouvait nous donner aucune réponse par écrit, l'affaire étant de la compétence de l'administration du département.  On nous a cité l'exemple de la commune de Melun qui s'est emparée de tous les presbytères qui existent dans son enceinte.

FESTEAU     CHENUEL,
Notable     Officier municipal.


 Celte réponse prudente n'apportait pas la solution désirée. Le conseil municipal ne paraissant pas vouloir s'adresser — nous ignorons pour quel motif — au directoire du département, le 25 vendémiaire an III (16 octobre 1194'), mission lut donnée au citoyen Ghemiel de se rendre à Paris et de se faire accompagner du citoyen Geoffroy auprès du comité des finances « pour savoir si la maison de la mission, » laquelle par son institution a été destinée à servir de logement aux Lazaristes » chargés de desservir la paroisse et remplir les fonctions curiales dans toute leur » étendue doit être considérée comme presbytère ».
 La démarche du délégué de la municipalité, appuyée par le représentant Geoffroy, ne produisit aucun résultat. Néanmoins la municipalité manifesta quelques velléités de passer outre et de prendre de son autorité privée possession delà maison de la mission.
 Cette attitude motiva, le 22 brumaire an IV (13 novembre 1795), l'envoi, par l'administration du département, de la circulaire suivante :

Citoyens,

 Nous recevons chaque jour de la part des administrations municipales des demandes de sommes plus ou moins fortes pour subvenir aux frais de leur premier établissement.
 Quelques-unes sollicitent des constructions ou des réparations considérables; d'autres pensent à s'emparer d’autorité des maisons nationales non vendues. Il en est même qui se laissant entraîner par un zèle trop ardent, veulent disposer pour le lieu de leurs séances du local destiné à recevoir le produit des contributions en nature.
 Rappelons aux municipalités qu'elles sortiraient des limites qui leur sont tracées par la Constitution si elles se livraient sans l'autorisation du département a des dépenses de construction ou de grosses réparations et encourraient une juste responsabilité.
 Près de cinq années s'écoulèrent avant que l'administration put être mise en possession du bâtiment convoité. En l'an VIII (1800), les choses paraissaient s'arranger grâce à une combinaison qui devait permettre de loger dans le bâtiment de la mission le tribunal, la mairie et une compagnie de vétérans.
 Le maire, Jamin Ghangeart, adressa au sous-préfet un devis des réparations à faire à la « maison ci-devant mission ». L'administration préfectorale n'accueillit pas sa proposition par le motif que les dépenses devaient être supportées par l'administration de la guerre en ce qui concernait les vétérans et par le département pour l'installation du tribunal.

Extrait du Pan de Nicolas de Fer, l'hôtel du Maine
Extrait du Pan de Nicolas de Fer, l'hôtel du Maine est en surgrisé au centre, la rue du Parc s’appelait rue du Citron

 C'est seulement le 13 fructidor an VIII (10 septembre 1800), que fut enfin donnée l'autorisation de procéder à l'adjudication des travaux nécessaires pour l'établissement de la mairie dans le bâtiment de la mission. Les services municipaux y trouvèrent place peu après.

 (1)-Cette question de propriété de la maison d la mission a été, depuis les premiers jours de la révolution, l'objet de nombreuses contestations sans arriver jamais à être résolue légalement Nous en publierons peut-être un jour l'historique assez tourmenté. Disons pour le moment que l'épisode final prit naissance à la fin de 1851, à la suite d'une réclamation de M. le curé Charpentier demandant pour le presbytère la restitution des locaux obligeamment prêtés en 1886, par M. le curé Thiébault, au tribunal civil alors sans asile. Une volumineuse correspondance fut échangée entre l'évêché, le ministère de l'intérieur, la préfecture et la mairie. Le conseil municipal dut tenir de fréquentes réunions pour cet objet. Des consultations turent demandées aux jurisconsultes. -M. Jager-Schrnidt, avocat à la cour de cassation, Conseil de la ville, déclara la maison de la mission bien de congrégation ». M. Lepage, docteur en droit, avoué à Fontainebleau, consulté par le conseil de fabrique, émit un avis Diamétralement opposé. Pour lui le bâtiment objet du litige était « un presbytère ».
 En 1853, la question a été tranchée par simple voie administrative et transactionnelle. De guerre lasse, les réclamants s'inclinèrent. Entre temps, s'appuyant sur un décret de 1811 .dont l'application était au moins discutable, le département qui avait été précédemment hors de cause, trouva moyen — histoire de l'huître et des plaideurs — de s'adjuger la propriété de la moitié du bâtiment et de revendre cette moitié à la ville, moyennant 25,000 francs.




LE DÉCRET DE BOULOGNE. — RETOUR A L'HOTEL DU MAINE. — LES MAIRES DU SIÈCLE.
— QUELQUES VOEUX

cadastre du 1er Empire, relevé en 1807
Extrait du cadastre du 1er Empire, relevé en 1807, l’Empereur accorde la totalité de l’Hôtel du Maine à la ville

 Nos inconstants conseillers éprouvèrent bientôt le désir de changer de domicile; ils ne se sentaient d'ailleurs pas tout à fait chez eux dans le bâtiment de la mission dont la possession partielle, acquise au prix de tant de démarches, leur semblait fatalement précaire.
 En effet, M. le curé Thiébault, nommé curé de la paroisse de Fontainebleau lors du rétablissement du culte, trouva, à son arrivée, le presbytère occupé en partie par la mairie. Ne voulant pas en prendre possession avant qu'il ne fût totalement évacué, il avait, dès le 15 germinal an XI (5 avril 1803) présenté une première réclamation au maire :

Étant assuré, lui disait-il, que la maison de tout temps affectée au logement des prêtres qui, à Fontainebleau, remplissaient les fonctions curiales, ainsi que le jardin en dépendant, n'ont pas été aliénés, j'ai l'honneur de vous en faire la demande conformément à l'article 72 de la loi du 18 germinal an X qui porte que les presbytères non aliénés seront rendus aux curés et desservants.
 Vous avez bien voulu me faire connaître cette maison dans tous ses détails et il résulte de la connaissance que j'en ai prise, une observation qui ne vous aura pas échappé, c'est l'impossibilité que la mairie y conserve ses bureaux ; le mouvement et le bruit inséparables d'une administration, etc. (1)...
 Vous avez senti la justesse de cette observation que j'ai l'honneur de vous renouveler. En conséquence, je vous invite à vouloir bien prendre les moyens les plus efficaces et les mesures les plus promptes pour que je puisse jouir de ce logement...Cette requête, fortement motivée, paraissait devoir être favorablement accueillie par le maire ; elle avait été transmise au ministre qui, malgré un avis contraire donné par le préfet, l'avait soumise à une commission du conseil d'État et cette commission avait choisi M. Portalis pour rapporteur.
 Nos conseillers s'émurent et se mirent encore une fois à la recherche d'une nouvelle installation.—.Ils étaient pris d'ailleurs d'un indicible désir de retourner à l'hôtel du Maine dont ils s'étaient considérés jadis comme propriétaires à la suite du prêt éventuel que leur en avait fait le roi Louis XVI. La portion de l'hôtel dont ils avaient ainsi joui, bien que comprise dans la nomenclature des biens de l'ancienne liste civile dévolus à l'État, n'avait pas encore été vendue nationalement. Leur espoir d'en devenir propriétaires, — sans bourse délier, bien entendu — persistait toujours.
 Des démarches furent faites; elles se heurtèrent tout d'abord à la résistance du préfet. Le premier magistrat du département, qui ne voulait pas rendre le presbytère en entier au curé, s'opposait à ce que l'hôtel du Maine, que, d'après les dernières lois, la municipalité pouvait avoir certains titres à occuper, fut dévolu à la ville.

 Dans une lettre du 5 floréal an XI (25 avril 1803) ce préfet, tout en reconnaissant que « le maire et ses bureaux n'était réellement qu'à titre précaire dans le local qu'ils occupent aujourd'hui dans le bâtiment de la mission », se prononçait nettement contre les désirs de la municipalité. « Ce serait, ajoutait-il en effet, s'abuser » .étrangement que de se livrer à l'espérance d'obtenir jamais l'hôtel du Maine, qui » est affecté au casernement de la gendarmerie; du reste il n'est guère plus permis » d'espérer la jouissance d'un bâtiment national quelconque, puisqu'il n'en reste » aucun qui n'ait déjà une destination et que, d'ailleurs, la République n'en doit » aucun à la ville de Fontainebleau ».
Le maire. M. Dubois d'Arneuvîlle (1), ne se rebuta pas. Il prit courageusement l'affaire en mains, redoubla d'activité et vit son zèle couronné de succès. Le 2 fructidor an XIII (20 août 1805), .l'Empereur signait au camp de Boulogne un décret ainsi conçu :

 Article 1er. — La portion non aliénée de l'hôtel du Maine faisant partie de notre liste civile est abandonnée à la ville de Fontainebleau pour l'établissement de la mairie.

 Article 3. —Des mesures seront prises pour l'acquisition de la portion non aliénée dudit hôtel, pour réunir définitivement dans le même local la cour criminelle, la gendarmerie, la prison, le tribunal de paix et la mairie. M. Dubois d'Arneuville se maintenant sur la brèche, l'affaire ne chôma pas. Treize jours après, le 15 fructidor, le receveur du domaine impérial, M. Adam, faisait remise au maire de l’hôtel du Maine que la mairie n'a cessé d'occuper depuis lors.

 Grande—on n'a pas besoin de le dire — fut la joie des habitants de Fontainebleau auxquels le récent établissement de l'Empire et ce premier acte de bienveillance firent espérer le retour des bienfaits dont ils avaient été comblés sous la royauté (1b).

 (1) Père de Mme Lagorsse d'Arneuville à laquelle on doit la fondation d'un service de maternité à l'hospice de Fontainebleau.

 (1b) Rappelons que la ville a reçu en dons : de Louis XIII, l'église paroissiale; de Louis XIV, le vaste bâtiment de la place Centrale, la place ellemême, un terrain d'un arpent pour en faire un cimetière, l'hospice du Montpierreux, l'immeuble de la rue Royale où est établie l'école des Soeurs, etc...


 (1)A cette époque le jardin du presbytère, non encore converti en place, était clos de murs. On accédait au bâtiment et dans ses dépendances par une seule issue ouvrant sur la cour de la Mission



L’hôtel de ville sur l’extrait du cadastre Louis Philippe
L’hôtel de ville sur l’extrait du cadastre Louis Philippe, publié en 1848, il va de la rue Grande à la rue Basse, rue du Château, les maisons et les hôtels particuliers disparaîtront lors de la reconstruction de l’hôtel de ville ; la rue du Citron est devenue la rue de l’Abreuvoir, avant de devenir rue du Parc.




LES MAIRES DU SIÈCLE.


buste de Denis GUÉRIN  Buste de Denis GUÉRIN sculpté par Adam Salomon

 Il est nommé professeur agrégé près de l’École de pharmacie de Paris en 1842, où il exercera jusqu'en 1847, et il est reçu membre associé de l'Académie nationale de pharmacie en 1843.

 C’est un des Maires les plus estimé, élu de la ville de Fontainebleau le 17 novembre 1843, il se consacrera avec générosité à sa ville pendant près de quarante ans, c’est un des maires les plus apprécié après le Comte de Montmorin


 Presque entièrement reconstruit et agrandi en 1865 sous l'administration si fructueuse de M. D. Guérin, l'hôtel de ville, où certains services sont à l'étroit, va sous peu s'étendre encore par l'acquisition que vient de faire le conseil municipal, de la partie aliénée sous la première République de l'ancien hôtel du Maine.

L’Hôtel de Ville, dressé par F. BAUR
L’Hôtel de Ville, dressé par F. BAUR professeur de dessin à l’École d’Application de l’Artillerie et du Génie.

 L’hôtel de ville est reconstruit dans le style Louis XIII , en brique et pierre avec un grand ordre composite encadrant les armoiries de la ville récemment attribuées par l’Empereur Napoléon III et surmonté fronton contenant une horloge

Hôtel de Ville façade arrière

Hôtel de Ville façade arrière extrait des plans de F. BAUR




Autre façade côté rue du Château

Autre façade côté rue du Château, anct. rue Basse, extrait des plans relevés par F. BAUR professeur de dessin



on voit que la cour est la fontaine en fonte aux trois grâces
 Sur ce plan dû à à F. BAUR, on voit que la cour est arborée, il y a la fontaine en fonte aux trois grâces en son centre, retrouvée elle a été remontée sur la place «du Marché» à proximité.


 Peu de temps avant la reconstruction de l’hôtel de ville Monsieur Denis Guérin obtint de l’Empereur Napoléon III les armoiries de Fontainebleau que l’on retrouve sur la façade de l’hôtel de ville.




ARMES DE FONTAINEBLEAU


Armoiries de Fontainebleau


NAPOLÉON III, par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Français,

 A tous présents et à venir, salut,
 Par notre décret en date du 25juin 1864, Nous avons concédé des armoiries à la ville de Fontainebleau (Seine-et- Marne).
 Le Maire de Fontainebleau (D. Guérin) s'étant retiré par-devant Notre Garde des Sceaux, Ministre Secrétaire d'État au département de la Justice et des Cultes, afin d'obtenir en faveur de ladite ville, la délivrance de lettres patentes ;
 Nous avons, de Notre grâce spéciale, pleine puissance et autorité impériale autorisé et autorisons, par ces présentes signées de Notre main, la ville de Fontainebleau à faire usage des armoiries, telles qu'elles sont figurées et coloriées aux présentes et qui sont :



Armoiries de Fontainebleau  Coupé : au premier, d'or, à l'aigle de sable; au deuxième d'argent, à la salamandre enflammée de gueules; sur le tout, à la fasce d'azur, chargée d'une rivière ondée, d''argent, franc quartier à dextre,
d'azur à l'N d'or surmontée d'une étoile rayonnante du même; l'écusson sommé d'une couronne murale à cinq créneaux d'argent pour cimier, portant sur son bandeau une double F d'or, traversée d'un caducée contourné d'argent,auquel sont suspendues deux guirlandes, l'une à dextre, d'olivier, l'autre à senestre, de chêne aussi d'argent, nouées et attachées par des bandelettes d'azur.


 Donné au palais de Saint-Cloud, le vingt août de l’an de grâce mil huit cent soixante-quatre, et de notre règne le douzième.

 Signé : NAPOLÉON.

 Pour L’EMPEREUR:
 Le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Cultes
 BAROCHE



AGRANDISSEMENT de l’HÔTEL de VILLE


 Près d’un siècle plus tard, en 1968, l’hôtel de ville est agrandi d’ une aile reliant le bâtiment principal, rue Grande et le bâtiment de la rue du Château ; au rez de chaussée différents services, à l’étage desservi par un grand escalier, un vaste salon d’honneur décoré de lambris sculptés, une salle des mariages et une galerie reliant l’étage de l’ancien hôtel de ville

Aile construite sous la mandature du Maire Paul Séramy,
Aile construite sous la mandature du Maire Paul Séramy, par les architectes PIERCHON et SALTET elle est inaugurée le samedi 28 septembre 1968

 La brique, la pierre blonde des carrières de Saint Maximin sont utilisés et rappellent la façade principale



Le SALON d’HONNEUR de l’HÔTEL de VILLE


 OEuvre du sculpteur Séraphin GILLY. Une multitude de panneaux de sycomore blond sculptés entrès bas relief.
Le thème choisi: Diane et Actéon un hommage à la forêt et aux bucherons.

Diane (la déesse de la chasse )

Actéon

elle le transforma en cerf
Diane (la déesse de la chasse ) surprise dans
sa nudité par Actéon, furieuse qu’un homme l’ait vue nue, elle le transforma en cerf,
il fut déchiqueté par sa meute...

Diane dormant

  

Détail de la toiture

Détail de la toiture : corniche à modillon, chéneau, lucarne avec un jeu de brique et pierre pour les jambages, linteau en arc surbaissé surmonté d’un fronton triangulaire ouvert, la baie permet d’observer discrètement l’animation de rue Grande




QUELQUES VOEUX


 La municipalité de Fontainebleau, par quelques mesures de nature à rappeler un peu le passé et répondre à un voeu souvent formulé par leurs administrés. Ne pourraient-ils, par exemple, faire rétablir sur-la façade de la maison commune? une inscription constatant le don fait à la ville par le roi Louis XVI et l'Empereur Napoléon Ier. Relater un trait d'histoire locale ne saurait être considéré comme acte-politique, ni éveiller aucune susceptibilité.

Trouveraient-ils inconvénient à perpétuer le souvenir d'une famille illustre, qui a comblé la ville de bienfaits, et lui a fourni trois gouverneurs et son premier maire ? 11 n'en coûterait pas beaucoup à rendre le nom de Montmorin à la rue principale. Ce nom, elle l'a porté il y a plus d'un siècle, quand Fontainebleau a pris de l'extension, il a remplacé alors l'appellation banale et assez humiliante de Grande rue du Bourg. Si chez d'aucuns il y a crainte chimérique de porter le trouble dans les habitudes prises depuis un certain temps, on lèverait tout scrupule en choisissant la dénomination de Grande rue de Montmorin ?



(1)- Pour cet historique nous nous sommes servis de l’ouvrage d’Ernest Bourges: Recherches sur Fontainebleau- Le centenaire du conseil municipal - 1896

-L’ANCIEN FONTAINEBLEAU, Histoire de la ville, rue maisons, habitants au XVIIe siècle de Félix Herbet - 1912

Documents, photos et composition: Georges GALIPON




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