Le quartier Magenta - conférence janvier 2010


Photo aérienne du château de Fontainebleau A mi-parcours entre l’accès principal au palais et le célèbre obélisque que les habitants de Fontainebleau ont élevé en 1786 à l’entrée de leur ville en hommage à Marie-Antoinette et à ses enfants, une vaste parcelle d’illustre mémoire, l’hôtel de Montpensier, face au Jardin anglais, connaît sa deuxième reconversion.

Une reconversion … qui se fait attendre.

Gagné dans les temps anciens sur la garenne de la Fontaine de Blaud, ce domaine appartient au 16ème siècle au cardinal du Bellay, puis à Charles de Bourbon, prince de La Roche-sur-Yon, ancêtre de Mademoiselle de Montpensier.

Au 17ème siècle, le plan Dorbay (1682), montre sur ce vaste espace d’importants bâtiments entre cour et jardin, des dépendances, un jardin à la française et un parc. A sa mort en 1693, la duchesse de Montpensier (la Grande Mademoiselle) lègue la propriété à son cousin germain, frère du roi, Philippe d’Orléans. Successivement appelé Hôtel du Bellay, Hôtel de la Roche-sur-Yon, Hôtel de Montpensier, puis Hôtel d’Orléans, cette vaste propriété reste dans la famille d’Orléans tout au long du 18ème siècle, jusqu’à la Révolution. Elle est vendue en 1792.

Plan d'Orbay 1676 Parcellaire ouvrage d'Yvonne Jestaz

Première conversion

Au 19ème siècle, Fontainebleau est une importante ville de garnison. L’ancienne vénerie royale, rue d’Avon, est occupée par l’artillerie et le génie, et prend le nom de Quartier Raoult. Le grand quartier de cavalerie occupe, sous le nom de Quartier Boufflers, l’ancien hôtel des gardes du corps, rue St Honoré, converti en caserne à la Révolution. Les écuries du comte d’Artois, rue St Merry, deviennent le petit quartier de cavalerie qui perpétue le nom du Général Chataux. Une caserne d’infanterie, la caserne Damesme, est construite sous Louis Philippe. Les grandes écuries de Louis XV construites par Ange-Jacques Gabriel aux anciennes Héronnières, et Le Quartier Lariboisière au Bréau, sont occupés par les batteries d’artillerie à cheval et par le train des équipages militaires.

Sur le boulevard Magenta, l’Hôtel Montpensier est converti en cercle des officiers, et un bâtiment important est construit pour le mess. Ils prendront le nom de Quartier Magenta.

Cadastre 1817 Cadastre 1848
Cadastre 1817 - Cadastre 1848

Dans tous ces quartiers militaires, ce sont des milliers de chevaux que l’armée entretient. D’où la construction, au début du 19ème siècle, de deux halles jumelles pour servir de magasin à fourrage. Ces belles halles, …mais nous y reviendrons !


Le départ de l’Armée

L’armée n’avait certes pas conservé le jardin à la française, mais au moins avait-elle su tirer parti des bâtiments et les avait entretenus. En2004, l’État (Mission de Réalisation de l’Actif Immobilier du ministère de la Défense) se défait de cette partie du vaste domaine que l’Armée occupe à Fontainebleau, vente qui se fait au profit de la ville.
Lanciers passant porte de Ferrare
Entre trois projets d’aménagement, la municipalité opte pour celui de la S.E.M. 92. Il comporte la mise en valeur des deux halles fourragères, la construction de trois immeubles d’habitation du côté de la rue de l’Arbre Sec, d’une résidence pour étudiants, ainsi que d’un complexe hôtelier comprenant l’hôtel Montpensier et un grand bâtiment touchant le boulevard Magenta.
Vue aérienne du quartier Magenta Plan de la SEM 92

Un début de réalisation fait place nette de tous les bâtiments utilitaires que l’Armée avait construits à l’arrière de l’hôtel. Si la démolition de la plupart de ces bâtiments s’est faite sans regret, ce ne fut pas le cas du grand bâtiment avec pignon sur le boulevard Magenta, une construction de qualité dans la tradition ‘brique et pierre’ apparentée au château, avec de hautes portes-fenêtres et une série de lucarnes, qui s’inscrivait bien dans l’alignement des façades du boulevard, de même que l’aile basse construite dans les années 1960 dans le même esprit, en prolongement de l’hôtel Montpensier. Le Comité de Défense a vainement tenté de sauver ces bâtiments de la démolition, estimant que leurs dimensions et la qualité de leur architecture justifiaient de les conserver, et qu’ils étaient tout à fait compatibles avec le projet.

L'hôtel Montpensier L'hôtel Montpensier enfilade Grand bâtiment avec pignon sur le boulevard Magenta

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Les immeubles d’habitation sont construits. Mais au lieu de l’environnement paysager promis dans la séduisante plaquette publicitaire du promoteur, ce ne sont que terrains vagues et bâtiments à l’abandon.

Après avoir racheté à un prix très élevé ces terrains que l’Armée était disposée à lui céder à des conditions convenables 5 ans plus tôt pour un projet d’intérêt général, la municipalité actuelle projette de transformer en parking public la parcelle qui devait accueillir une résidence pour étudiants ; un parking qui n’apportera hélas rien au commerce du centre-ville étant donnée la distance. Pour les halles, aucun projet.

Une vraie reconversion ?

Or des Halles viendra le salut. L’intérêt qu’elles présentent est multiple : Un intérêt architectural, de par leur matériau et leur structure : Cette construction entièrement constituée de grès de Fontainebleau - peut-être une des dernières de cet ordre car le dix-neuvième siècle qui les a vu naître employait déjà de préférence la pierre de Souppes, plus blanche et sciable - porte la mémoire des carrières de grès de la forêt de Fontainebleau.

   état actuel et projet de parking
Photo (1) des halles Photo (2) des halles


Sans doute ce choix du grès a-t-il été dicté par un souci d’économie pour un bâtiment utilitaire à usage rustique, mais il n’en reste pas moins qu’il perpétue une industrie locale révolue qui a fourni toute l’architecture du pays de Fontainebleau, noble, bourgeoise et paysanne, pendant des siècles, à commencer par les parties les plus anciennes du château. C’est également ce matériau qui confère à l’architecture bellifontaine ce caractère spécifique à la fois noble et rustique dont les plus grands architectes, parmi lesquels Serlio, ont tiré un parti magnifique sous la Renaissance.

Quant à leur structure, elle allie la sobriété du modernisme et le classicisme des vastes bâtiments militaires ou conventuels dont les longs pans sont étayés par une série de jambes de force.

Intéressantes également parce qu’elles répondent au besoin impérieux de Fontainebleau pour un centre culturel. Avec ses grandes dimensions, ses baies latérales et des accès très larges aux deux extrémités, la possibilité d’une verrière centrale qui diffuserait sur toute sa longueur la lumière zénithale, cette double halle, après avoir été un magasin à fourrage puis un dépôt de matériel, pourrait accéder à une nouvelle vie conforme aux orientations de la ville, à ses besoins, et au prestige des lieux en devenant médiathèque, université d’été, centre de congrès, de séminaires, d’exposition et de commerce d’art, un endroit prédestiné pour un musée Rosa Bonheur. L’aménagement d’une bibliothèque dans ces vastes volumes dont une bonne partie des murs sont aveugles devrait également inspirer les architectes. Ceci n’a pas échappé à l’architecte Jean-Michel Wilmotte, “ fort impressionné par l’originalité de la halle au fourrage, percevant d’emblée la qualité et le potentiel architectural d’un lieu si original. ” (La République 77, avril 2006).

Cette activité culturelle proche de l’entrée du château rendrait ipso facto sa vocation de résidence hôtelière à l’Hôtel Montpensier dont l’état d’abandon ne laisse pas d’inquiéter. Quant à la parcelle non construite, elles pourraient constituer un espace paysager qui mettrait en valeur les halles restaurées.

Ainsi ce lieu chargé d’histoire serait-il réinséré à la fois dans la vie de la cité et dans le contexte économique et culturel national et international. Ainsi seraient respectés les abords immédiats du château classé ‘Patrimoine Mondial de l’Humanité’.

Vue sur le Jardin anglais pris d’une fenêtre de l’hôtel Montpensier Vue sur le Jardin anglais pris d’une fenêtre de l’hôtel Montpensier

Édité par :

Comité de Défense, d’Action et de Sauvegarde de Fontainebleau ( CDAS )

Siège social : 26, rue de la Cloche 77300 Fontainebleau

Tél 01 60 74 80 7
mail : cdasf@neuf.fr

Site :http://www.comitededefense-fontainebleau.org



  1. Les plans historiques
  2. Les cadastres anciens
  3. Photothèque Fontainebleau aujourd'hui
  4. Archives photographique de la ville
  5. Histoire de l'eau à Fontainebleau
  6. L'exposition "Architecture du 20ème siècle à Fontainebleau"
  7. Connaître la maison des compagnons
  8. La bataille pour préserver les grès du château