QUARTIER HENRI IV - Le syndrome de
Disneyland gagne la Maison des Siècles
Dans la Cour des Mathurins, face au théâtre, se dressent depuis peu
deux petites bornes de grès fraîchement sorties des mains du
tailleur de pierre. Elles n'ont pas une fonction ni un emplacement
prestigieux ; juste deux petites bornes de grès qui ne déplaceront
pas les foules, et c'est bien dommage car ces deux petites bornes
sont des pantoufles de vair.
D'un blanc de neige scintillant au soleil, veinées d'or comme si
quelque rayon était resté captif, elles illustrent parfaitement la
fascinante beauté du grès de Fontainebleau dont a été fait
l'essentiel du château : ses assises, ses porches, ses baies, ses
lucarnes, ses cours, ses colonnes, ses fontaines et ses escaliers
les plus anciens, sortis du " banc royal " du Mont Ussy et autres
carrières.
Imaginez maintenant le Quartier Henri IV libéré du badigeon
d'opérette dont on vient de l'affubler, avec tous ses appareils de
grès et ses bossages majestueux, dans la lumineuse beauté qui était
la sienne lors de sa création.
Les parcs d'attraction drainent des foules conditionnées qui passent
tous les jours, aveugles et indifférentes, devant les authentiques
chef-d'œuvre d'un passé qui les fait rêver.
Pour se mettre à la portée " du plus grand nombre ", Paris "
reconstitue " des paysages bellifontains sur le parvis d'Orsay, et
Fontainebleau présente dans le hall de sa mairie un petit bout de
lande avec quelques rondins et quelques seaux de sable pour ceux
qui, jamais, n'iront dans les mystérieux espaces qui ont inspiré les
peintres.
Favoriser le goût du faux au lieu de sensibiliser à l'authentique
est faire injure à la nature, aux chefs-d'œuvre eux-mêmes et à leurs
auteurs, et enfin au public. C'est une erreur de croire que le goût
du faux est le fait des esprits simples, simple ne signifiant pas
inculte. L'esprit simple est immédiatement sensible à la vraie
nature des choses.
L'érudition et l'intellectualisme, en revanche, peuvent égarer le
jugement de qui ne voit plus avec ses sens et sa fraîcheur d'âme.
L'artifice est une altération ou un succédané. Succédané, il a sa
raison d'être. Nous connaissons tous d'admirables faux-marbres, mais
précisément, ils sont faux. Plaqué sur l'authentique, le factice ne
peut être que dégradant.
Pour être un château de lumière, Fontainebleau n'a nul besoin d'un
badigeon. Il suffit de lui rendre son éclat d'origine, car le vrai
est merveilleux.
Et si, pour traverser les siècles, le château, comme les rochers,
restait couleur du temps, en serait-il moins beau à nos âmes
d'enfants ?
Fontainebleau, mai 2007-05-12
Jacqueline NIZART
COMITE de DEFENSE d'ACTION et de SAUVEGARDE de FONTAINEBLEAU
26, rue de la Cloche 77300 Fontainebleau Tél 01 60 74 80 71
Association loi 1901 créée le 18 Novembre 1971, agréée par arrêté
préfectoral du 23 Mai 1978. Affiliée à l'Association Nationale pour
la Protection des Villes d'Art et à la Société pour la Protection
des Paysages et de l'Esthétique de la France.